23 novembre 2024

Réglementation des changes: Comment la France et les États-Unis ont tiré les ficelles des négociations

Le régime dérogatoire aux nouvelles dispositions de ce texte communautaire accordé par la Banque centrale aux sociétés sous-régionales spécialisées dans les secteurs miniers et des hydrocarbures prend fin ce 31 décembre 2021. Les deux parties se sont rencontrées ce 17 novembre 2021 à Douala à l’effet de définir un cadre spécifique de collaboration. Pourtant, les ficelles des concertations étaient savamment tirées par les chancelleries occidentales dont les entreprises sont résidentes en zone Cemac.

Deux dates marqueront sans doute le rôle joué par les puissances étrangères dans le dossier de l’extension de l’application de la réglementation des changes aux industries des secteurs extractifs (mines, petroles etc…). Le 18 octobre 2019, Abbas Mahamat Tolli, le Gouverneur de la Beac a prononcé un important discours face à des représentants de la Chambre de commerce des États-Unis et de certains opérateurs économiques pétroliers et miniers américains ayant des intérêts dans la zone Cemac. Allocution au cours de laquelle le dirigeant de la banque centrale a marqué sa volonté d’entamer des pourparlers avec les entreprises concernées sous certaines conditions, dont celle portant sur la transparence. Un autre conclave s’est déroulé le 14 octobre 2021 à Washington, sous l’égide du Corporate council on Africa et la U.S Chamber of Commerce, et le 25 octobre 2021 à Paris sur la même problématique.Auparavant, en 2011, le Comité mixte Beac/Banque de France/Trésor Français chargé du suivi du rapatriement des avoirs en devises des États membres de la Cemac, avait sonné l’alerte sur le déficit de connaissances du cadre réglementaire et opérationnel de la réglementation des changes par les différents acteurs. Ainsi que la faiblesse du rapatriement des recettes d’exportation. 

Pourparlers

Après une centaine de rencontres, la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) et les industries des secteurs extractifs et les hydrocarbures résidentes dans la zone Cemac (Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale) ont finalement convenu d’un modus vivendi, à Douala, la capitale économique du Cameroun. De longues heures de pourparlers qui ont débouché sur un accord commun de 6 points marquant officiellement la fin du régime d’exception accordé par la Banque centrale à ces entreprises dans le cadre de l’application des dispositions de la nouvelle réglementation des changes en vigueur dans la zone Cemac depuis mars 2019. Compte tenu de la spécificité de leurs activités, ces entreprises ont en effet bénéficié de deux moratoires dont le dernier prend fin ce 31 décembre 2021. 

«Après deux années caractérisées par une application progressive de la réglementation des changes depuis son entrée en mars 2019, ce corpus réglementaire sera enfin applicable à tous les secteurs d’activité à compter du 1er janvier 2022, conformément à la volonté exprimée par les Chefs de l’Etat de la Cemac lors de leur sommet extraordinaire du 18 août 2021. Ainsi, le 1er janvier 2022 marquera la fin du second moratoire accordé aux entreprises extractives de la Cemac», s’est exprimé à l’occasion  Abbas Mahamat Tolli,  le Gouverneur de la Beac à cette occasion. Après le 31 décembre 2021, les industries extractives seront ainsi autorisées à détenir des comptes en devises ouverts dans les livres des établissements de crédit de la zone, en sus des comptes en devises détenus à l’étranger. «Ces comptes seront régis par des dispositions spécifiques donnant la possibilité aux entreprises extractives de continuer leurs activités tout en permettant à la Banque centrale d’effectuer des contrôles requis par la réglementation en vigueur», annonce la Beac, qui examine par conséquent un règlement portant insaisissabilité desdits comptes. 

Comptes séquestres

L’accord bilatéral prévoit l’obligation pour les industries extractives de continuer de rapatrier au moins 35% des devises générées par leur activité dans les comptes onshores. «Cependant, les entreprises extractives en phase d’exploration et celles bénéficiant de financement réserve bases lending (RBL) prévoyant contractuellement la domiciliation de leurs recettes d’exportation dans des comptes offshores seront exemptées de cette obligation de rapatriement», clarifie davantage Abbas Mahamat Tolli. Un dispositif allégé de déclaration et de domiciliation des importations et exportations de biens et services caractérisé par des déclarations à posteriori et périodiques en fonction de la nature du compte est également acté en faveur de ces entreprises. La Beac exige désormais de ces dernières, le rapatriement sous trois ans dans des comptes séquestres ouverts dans les livres de la Banque centrale, les fonds de remises en état des sites extractifs.

D’après la Banque centrale, les industries extractives pourront continuer à payer leurs sous-traitants exerçant dans la Cemac en devises dans les comptes en devises ouverts dans la Cemac. Elles sont par ailleurs autorisées à transférer à l’étranger le revenu du travail de leurs travailleurs expatriés à partir de leurs comptes onshores en devises. Toutefois, Abbas Mahamat Tolli, interpelle les industries extractives résidentes dans la zone Cemac sur la transparence dans la transmission des informations pour un suivi efficace du niveau de rapatriement effectif des devises générées par leurs activités dans la zone Cemac : déclarations des opérations, relevés de comptes onshore et offshore, contrats signés avec l’Etat et autres entités résidentes, modèle économique, respect des dispositions de la réglementation des changes etc……

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