Décote sur les importations: Environ 270 milliards de FCFA de pertes en 6 mois
La Décision de l’État du Cameroun de procéder depuis le 16 novembre 2021, à un abattement de 80% du coût du fret à intégrer dans la valeur en douane des marchandises importées par voie maritime induit une incidence financière évidente dans le Trésor public camerounais. Le manque à gagner est estimé, par le Ministère des finances, entre 12 et 15 milliards de FCFA par mois.
C’est dans un contexte marqué par une inflation des produits de consommation et les tensions sur le marché international suite à la guerre en Ukraine qu’intervient la Décision du Ministre des finances. Louis Paul Motaze, a décidé, sur proposition d’Edwin Fongod Nuvaga, le Directeur général des Douanes camerounaises, de proroger la mesure d’abattement de 80% du coût du fret à intégrer dans la valeur en douane des marchandises importées par voie maritime. Décidée le 16 novembre 2021, au plus fort du surenchérissement du prix du fret sur la place internationale, la mesure du gouvernement camerounais visait à atténuer le supplément d’investissement engagé par les opérateurs économiques. Tous les secteurs subissaient les effets négatifs de cette inflation inattendue due à la fermeture des frontières par plusieurs pays de ravitaillement, et suite à la pandémie de Covid-19.
Un rapport fort évocateur du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), apportait des détails pertinents sur l’ampleur de la crise: 213 milliards de FCFA de surcoût supporté par les entreprises, en 2021, par rapport à 2020, ou depuis la hausse du prix du fret et des coûts d’importation. 20 intrants utilisés dans 6 filières (industries brassicoles, cimenteries, engrais et produits phytosanitaires, emballages, industries meunières, industries métallurgiques), avaient, ainsi, fait l’objet d’une enquête par le Gicam. D’octobre 2020 à octobre 2021, le malt, intrant essentiel dans l’industrie brassicole, a subi une hausse de fret de l’ordre de 20%. Elle est de 15% pour les emballages, dans le secteur sucrier, 71% pour la soude caustique dans la production des huiles raffinées, et de 91% appliqués sur le blé dur, dans le segment minoterie et pâtes alimentaires.
Dans le même ordre d’idées, le clinker et le fer à béton dans le secteur de la cimenterie ont connu, d’après le même rapport, des hausses respectives évaluées à 87,9% et environ 40%. «Le clinker connaît une augmentation de 97% sur le marché international. Vous couplez cette augmentation avec à la hausse du fret maritime qui est de 417%, vous avez des coûts qui, s’ils sont répercutés sur le sac de ciment, seraient de 1.500 FCFA de plus. La décision signée le 16 novembre 2021, s’il faut l’appliquer a juste un impact est de 50 FCFA. Concernant le blé, cette céréale a connu une augmentation de 70%, en plus de l’inflation du fret maritime. Pourtant, le blé ne paie pas de frais de douanes depuis 2008. La décision n’a aucun impact sur le farine», a récemment réagi, Aline Valérie Mbono, la Directrice exécutive du Gicam.
Au lendemain de la première Décision du Ministre des finances d’appliquer un rabattement de 80% du coût du fret à intégrer dans la valeur en douane des marchandises importées par voie maritime, Célestin Tawamba, le Président du Gicam, a rejoint la Directrice exécutive concernant l’impact négligeable et minimal de la mesure sur les coûts de production : «suite au communiqué du Gicam du 9 novembre 2021, la décision du gouvernement portant sur la neutralisation d’une partie de la hausse du fret dans le calcul des droits de douanes, bien qu’appréciable, une produit qu’un impact très limité. Dans le cas du clinker par exemple, elle ne représente que 10 % sur les surcoûts qui s’élèvent à 1.500 FCFA TTC par sac de ciment. Pour les matières premières déjà exonérées de droits de douane, l’impact de la mesure sur les coûts de production des produits dérivés est de 0%», a-t-il réagi.
Pourtant, les experts y voient une mesure salutaire en faveur des opérateurs économiques. Mais également, une incidence financière dans les caisses de l’Etat. D’après le Ministère des finances, le plafond de 80% de baisse sur le fret est consécutif d’un manque à gagner situé entre 12 et 15 milliards de FCFA par mois. Soit, 36 à 45 milliards de FCFA sur un trimestre. Prorogée, jusqu’au 31 mai 2022, la Décision ferait ainsi perdre en 6 mois à l’État du Cameroun, une enveloppe évaluée entre 144 milliards de FCFA et 270 milliards de FCFA. Entre menace d’arrêt de production ou d’importations dès le 1er janvier 2022, et volonté de maintenir la paix sociale, le Gicam proposait au gouvernement plusieurs alternatives de sortie de crise: une répercussion du surplus du coût de production sur les produits de consommation, un partage de la facture avec l’Etat, des allègements fiscaux, subventions ponctuelles etc…Après la Décision de Louis Paul Motaze, d’accorder 3 mois supplémentaires de décote sur les marchandises importées par voie maritime, les groupes patronaux et opérateurs économiques dévoileront certainement leur position.
Félix Beda