21 novembre 2024

Hommages: Le génie du Dr. Thé Charles célébré

Avril consacre traditionnellement le mois du Dr. Thé Charles, célèbre ingénieur agronome et chercheur camerounais décédé en 2013. L’an 2022 correspond, ainsi à la célébration des 9 ans de sa disparition prématurée, au moment où la communauté scientifique mondiale en général, et celle du Cameroun, en particulier, s’abreuvaient de ses travaux sur l’agro-génétique. 

Ses recherches sur la maïs sont en effet révolutionnaires, et demeurent irréversiblement d’actualité. Les pays africains dont le Cameroun sont frappés de plein fouet par la crise des importations, la hausse du prix du fret et la rareté des intrants et autres produits de consommation. Le blé figure parmi ces denrées abondamment utilisées dans la fabrication du pain ou des pâtes alimentaires. Depuis le début de la crise Ukrainienne, ce produit se fait malheureusement rare. Les États optent ainsi pour l’utilisation des produits locaux à travers la politique d’import-substitution. Le maïs fait ainsi partie de ces graines pouvant entrer dans la composition des produits de consommation de masse. Les recherches du Dr. Thé Charles ont permis de créer une vingtaine de variétés de maïs. 

Agriculture de masse

La plus réputée reste toutefois la variété «Coca SR.», connue sous le nom scientifique de «Zea mays L.». Le maïs «Coca Sr.» a  figuré parmi les attractions des innovations agricoles transgéniques du Salon international des inventions de Genève. Cette variété de maïs «Made in Cameroon» jouit également d’un grand intérêt auprès de l’Institut de recherche agricole pour le développement (Irad), grâce à son fort potentiel de rendement  (5 à 6 tonnes à l’hectare), et son cycle de maturité de 130 à 140 jours. Dans le même ordre d’idée, et d’après les experts de l’Irad, «Coca Sr.» résiste davantage aux stress biotiques, notamment, sa tolérance aux maladies foliaires d’altitude et à la striure». Elle est également utilisé dans l’alimentation humaine (épis rôtis ou bouillis, mets locaux tels que le « Sanga » chez les Beti, bouillies, beignets, biscuits etc…). 

Pourtant, les travaux du Dr. Thé Charles ainsi que son héritage trangénique ne sont pas suffisamment exploités au profit de l’industrie locale, ou en faveur de l’économie nationale comme culture de rente. Des pays à l’instar du Ghana, du Tchad, de la République Centrafricaine, de la Guinée Équatoriale ou du Gabon, ont intégré la variété de maïs «Coca Sr.» dans leurs différentes économies. Malheureusement, le Cameroun tarde à se lancer dans une agriculture de masse et un usage industriel rentable de cette espèce de maïs à fort potentiel. Une opportunité à saisir, car, renseignent les experts de l’Irad, «les fruits de sa recherche ont contribué à l’augmentation de la production nationale du maïs qui est  passée de 450.000 tonnes en 1984 à environ 1.200 000 tonnes en 2010. Avec l’urgence que nous impose l’import-substitution, la crise ukrainienne et la flambée des prix du fret et des matières premières, le maïs du Dr. Thé Charles est une alternative locale pour combler ces insuffisances».

On apprendra également que les Hauts-plateaux de l’Ouest et du Nord-Ouest sont les bassins de culture adéquats pour ladite variété. Selon des chiffres du ministère de l’agriculture et du développement rural (Minader), le Cameroun produit annuellement en moyenne 2,3 millions de tonnes de maïs par an, pour des besoins d’environ 2,8 millions de tonnes. Soit un déficit avoisinant 500 millions de tonnes de maïs à combler. 13ème producteur africain de cette céréale, le Cameroun tire sa production de 700.000 exploitations familiales, artisanales et modernes. Le maïs contribue à  hauteur de 150 milliards de fcfa au produit intérieur brut. 

Rappelons que le secteur pastoral pourrait également bénéficier des caractéristiques du «Coca Sr.» , car elle constitue un important intrant dans la composition de la provende pour volaille, et l’alimentations des porcs. Dans l’industrie, le «Coca Sr.» entre, d’après les experts, dans la fabrication de la bière, de la pâte à papier, de l’amidon ou de l’huile. Sa valorisation au niveau local tarde toutefois à trouver des débouchés:  «le Dr. Thé Charles a développé une vingtaine de variétés de maïs composites et synthétiques, ainsi qu’une multitude de lignées pures qui, en combinaison, ont permis de mettre au point une dizaine de variétés hybrides de maïs à haut rendement, tolérantes aux stress et adaptées aux diverses zones agro-écologiques du Cameroun», indique un document de l’Irad. 

Jean Adoul

Zoom sur le Dr. Thé Charles

Au cours de sa carrière scientifique, le Dr. Thé Charles a encadré une vingtaine d’étudiants de niveau Master et autant en niveau Phd au Cameroun. Sur le plan de la recherche, en plus d’avoir développer une vingtaine de variétés de maïs composite scientifique, le chercheur est par ailleurs auteur de lignées pures qui, en combinaison, ont permis de mettre au point une dizaine de variétés hybrides de maïs à haut rendement. L’expert s’est impliqué comme sélectionneur dans la rédaction, la programmation et la mise en oeuvre de nombreux projets locaux et internationaux financés par l’Union Européenne, l’Usaid, l’UA, l’Aiea, les gouvernements japonais, coréen et camerounais, dans les domaines de la sélection variétale et l’agronomie. 

Ses travaux scientifiques axés sur la création variétale, l’amélioration des rendements, la valeur nutritive du maïs, le développement des variétés de maïs tolérantes aux maladies virales, secheresse, acidité des sols, bores, faible taux d’azote, du sol etc….). Il a occupé d’importantes fonctions: chef du programme céréales et coordonnateur adjoint du projet national de recherche et vulgarisation des céréales (Ncre), coordonnateur scientifique pour les cultures annuelles (1997-2003), et coordonnateur national du projet Ppte-semences de 2005 à 2008. 

Enseignant à temps partiel à l’université de Yaoundé 1, le Dr. Thé Charles a rayonné sur le plan international via les activités de recherche et de vulgarisation de divers réseaux couvrant plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne. L’ensemble de ses travaux et sa carrière exceptionnelle qui lui ont valu le tout premier prix du Président de la République du Cameroun, et le baptême de l’une des variétés de maïs qui porte aujourd’hui son nom (Cms 8510), par Madeleine Tchuente, la Ministre de la recherche scientifique et de l’innovation technologique (Minresi). Il est décédé le 14 janvier 2013.

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