Laurent Esso, Ministre d’État, Ministre de la justice, Garde des sceaux, rechigne à accéder aux hautes instructions du Président de la République portant arrêt de poursuites engagées contre l’ancien Ministre de l’eau et de l’énergie. Hautes instructions répercutées depuis 2020 par Ferdinand Ngoh Ngoh, Ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence de la République. L’un invoque les dispositions du Code de procédure pénale, et l’autre, l’article 18 de la loi du 14 décembre 2011, portant création d’un Tribunal criminel spécial au Cameroun.
Basile Atangana Kouna sera-t-il enfin libre? La condition de l’ancien Ministre de l’eau et de l’énergie accusé de détournement de fonds publics fait l’objet d’une querelle juridique entre le Ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, et le Ministre d’État, Ministre de la justice, Garde des sceaux, Laurent Esso. La dernière en date, dévoilée ce 25 juillet 2022, révèle le quiproquo entre les deux hommes. Dans une correspondance, portant en objet «Arrêt de poursuites engagées contre le nommé Basile Atangana Kouna», Ferdinand Ngoh Ngoh répercute à Laurent Esso, les «hautes instructions du Chef de l’État», lui «réitérant son accord en vue de l’arrêt des poursuites engagées contre Basile Atangana Kouna».
Le Ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence de la République indique, dans la même correspondance frappée de la mention «confidentiel», que «le recours à l’article 64 (3) du Code de procédure pénale est sans intérêt en l’espèce, l’intéressé ayant intégralement restitué le corps du délit». En réalité, le conflit de droit transparaît sur les prétentions du Garde des sceaux du Cameroun contre la libération de Basile Atangana Kouna. Invoquant l’article 64 (3) du Code de procédure pénale (Loi du 27 juillet 2005), qui stipule que «lorsque l’action publique a été arrêtée en application de l’alinéa 1er, le juge d’instruction ou la juridiction de jugement poursuit l’instruction ou l’examen de l’affaire sur l’action civile». Article présenté comme «sans intérêt» pour Ferdinand Ngoh Ngoh.
La correspondance de ce 25 juillet 2022 fait suite à une précédente du 2 décembre 2020, adressée précédemment par Ferdinand Ngoh Ngoh à Laurent Esso, et dont l’objet indiquait «Affaire Ministère public et Camwater contre Basile Atangana Kouna et autres: arrêt de poursuites». Dans cet acte, le Le Ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence de la République indiquait: «j’ai l’honneur de vous répercuter les hautes directives du Chef de l’État, prescrivant l’arrêt des poursuites contre le nommé Basile Atangana Kouna, dans l’affaire portée en objet».
Ferdinand Ngoh Ngoh sollicitait de Laurent Esso, d’informer le Président du Tribunal criminel spécial, le Procureur général près ledit Tribunal et le Ministère des finances, en vue de la mise en oeuvre des modalités pratiques de versement au Trésor public du corps du délit cantonné dans les comptes bancaires de l’intéressé, au montant arrêté par le juge d’instruction. Deux environ après cette première correspondance, Basile Atangana Kouna n’est toujours pas bénéficiaire d’un arrêt de poursuites engagées contre sa personne.
Rappelons que l’ancien Directeur général de la Camwater, ex-Ministre de l’eau et de l’énergie avait été interpellé dans la nuit du 21 au 22 mars 2018 au Nigeria, alors qu’il était interdit de sortie du territoire national depuis le 8 mars 2018. Après avoir été extradé vers le Cameroun, Basile Atangana Kouna avait formulé pendant son incarcération une offre de restitution du corps du délit, soit la somme de 1,2 milliards de FCFA, à travers une requête portant mainlevée partielle sur ses comptes bancaires saisis. Rappelons que c’est le Décret du 4 septembre 2013 qui fixe les modalités de restitution du corps du délit prévues par l’article 18 de la loi du 14 décembre 2011 portant création d’un Tribunal criminel spécial au Cameroun.
Jean Adoul