Aux sortirs d’une audience accordée par Mahamat Idriss Deby, le Président du Conseil Militaire de Transition du Tchad, à Fortunato Ofa Mbo Nchama, le Président sortant de la Bdeac, ce 12 mai 2022, le Tchad affiche sa désapprobation sur la désignation du camerounais Dieudonné Evou Mekou comme nouveau Président de la Bdeac. Désignation intervenue ce 13 avril 2022. Arguant une violation flagrante du principe communautaire de nominations aux postes des institutions sous-régionales.
D’après le Ministre Tchadien des finances et du budget, «les questions d’ordre général ont été abordées, notamment celles relatives au fonctionnement de la Bdeac. Nous avons appris avec surprise qu’il y’a eu un changement opéré à la tête de la Bdeac, avec la nomination d’un nouveau président. Le Tchad qui est membre historique de cette banque et qui est par ailleurs dépositaire des textes de la communauté, s’en tient aux textes et aux procédures, pour ce qui est des nominations des premiers dirigeants et de nos représentants dans les organisations internationales», a déclaré Tahir Hamid Nguillin.
La position de Ndjamena intervient au moment où les préparatifs de l’installation et de la prise de fonction de l’actuel Directeur général de la Caisse Autonome d’Amortissement vont bon train. Le Conseil Militaire de Transition Tchadien n’en démord pourtant pas. Par la voix de Mahamat Hamit Joua, Ministre de l’économie, de la planification du développement et de la coopération internationale, «des instructions fermes ont été données pour que cette décision soit corrigée, et les règles de gouvernance des institutions préservées. Les responsables de la Bdeac ont par ailleurs reçu des observations fermes du Tchad».
Ce pays envisage par ailleurs présenter, en temps opportun, le candidat Tchadien, en lieu et place de Dieudonné Evou Mekou: «à date les nominations obéissent au critère de nomination par ordre alphabétique, le Tchad n’a pas dirigé la Bdeac depuis très longtemps, pour ce qui est d’un mandat complet. Actuellement, c’est le tour du Tchad. Nous nous en tenons à cela. Il y’a des instances dédiées et consacrés qui sont la Conférence des Chefs d’État, le Conseil de ministres, ou l’Assemblée générale de la Bdeac. Nous avons demandé que les uns et les autres respectent les textes afin qu’il n’y ait pas de difficultés dans le fonctionnement de nos institutions communautaires. Le Tchad n’a pas encore présenté son candidat, mais il le fera très bientôt», martèle Tahir Hamid Nguillin.
La sortie tonitruante du Tchad reflète incontestablement la guerre de leadership dont se livrent les 6 pays de la Cemac pour le contrôle des institutions communautaires. Rappelant la bataille entre le Cameroun et le Gabon pour le siège de la Bvmac (Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale). À titre de rappel, des Tchadiens dirigent deux des principales institutions sous-régionales: Nagoum Yamassoum comme Président de la Commission de surveillance du marché financier d’Afrique centrale (Cosumaf), et Abbas Mahamat Tolly, Président de la Beac (Banque des États de l’Afrique centrale).
Créée en 1975, avec un capital augmenté de 1200 milliards de FCFA, la Bdeac dispose d’un actionnariat composé des 6 États membres de la Cemac, titulaires des actions de la catégorie A, et détenant conjointement 50,88% de parts, à raison de 8,48% par État (610,5 milliards de FCFA), et les actionnaires de la catégorie B: la Banque des États de l’Afrique centrale (33,4%), la Banque Africaine de Développement (0,25%), la France (0,83%), la Libye (0,63%), le Koweït (0,08%), le Maroc (0,20%), la Commission de la Cemac (0,08%), le Fsa (0,08%) et la Badea (0,08%). Face à ce quiproquo inattendu, une question principale taraude les esprits: Quelles sont les véritables motivations du Tchad alors que la désignation de Dieudonné Evou Mekou été entérinée par la Conférence des Chefs d’État de la Cemac dont fait partie le Chef du Comité Militaire de Transition, Mahamat Idriss Deby ? À suivre.
Georges Semey