Colonisation: Révélations sur le mandat Franco-Britannique au Cameroun
Au lendemain du 1er octobre, date marquant la célébration de la Réunification du Cameroun oriental (sous tutelle de la France) et le Cameroun occidental (sous-tutelle de la Grande Bretagne), devenus République Fédérale du Cameroun en 1961, et quelques heures après la fin du 28ème «Sommet Afrique-France» de Montpellier en France, le site d’informations «Ripostes», publie le contenu du mandat qui liait le couple franco-britannique à la Société des Nations (SDN) pour le tutellat du Cameroun.
Dès le début de la Grande Guerre, Britanniques, Français et Belges envahissent les possessions africaines de l’Allemagne. Si le Togo est conquis en trois semaines, les opérations au Cameroun ne se termineront que le 20 février 1916. Le Cameroun est alors partagé de facto le 4 mars 1916 : sa partie occidentale revient à la Grande-Bretagne, sa partie orientale plus grande à la France, qui récupère aussi les territoires qu’elle avait cédés à l’Allemagne en 1912, pour obtenir la reconnaissance du protectorat français sur le Maroc.
Ce partage est confirmé en 1919, lorsque le Cameroun, en application du traité de Versailles est placé sous la régime du mandat B par la Société des Nations. La déclaration de Londres du 10 juillet 1919 détermine le plan de partage qui est approuvé par la SDN le 20 juillet 1922. En 1946, le régime du mandat est remplacé par le régime de la tutelle, plus contraignant.
Voici le contenu de ce mandat B:
Le Conseil de la Société des Nations :Considérant que, par l’article 119 du traité de paix avec l’Allemagne, signé à Versailles le 28 juin 1919, l’Allemagne a renoncé, en faveur des Principales Puissance alliées et associées à tous ses droits sur ses possessions d’outre-mer, y compris le Cameroun ;
Considérant que les Puissances alliées et associées sont tombées d’accord que les gouvernements de France et de Grande-Bretagne ont fait une recommandation concertée au Conseil de la Société des Nations, tendant à ce qu’un mandat soit conféré à la République française pour administrer, en conformité avec l’article 22 du pacte de la Société des Nations, la partie du Cameroun s’étendant à l’est de la ligne tracée d’un commun accord par la déclaration du 10 1919 ci-annexée ;
Considérant que les gouvernements de France et de Grande-Bretagne ont proposé que le mandat soit formulé ainsi que suit ;
Considérant que la République française s’est engagée à accepter le mandat sur ledit territoire et a entrepris de l’exercer au nom de la Société des Nations ;
Confirmant ledit mandat, à statué sur ses termes comme suit :
Article premier
Les territoires dont la France assume l’administration sous le régime du mandat comprennent la partie du Cameroun qui est située à l’est de la ligne fixée dans la déclaration signée le 10 juillet 1919, dont une copie est ci-annexée.Cette ligne pourra toutefois être légèrement modifiée par accord intervenant entre le gouvernement de Sa Majesté Britannique et le gouvernement de la République française, sur les points où, soit dans l’intérêt des habitants, soit par suite de l’inexactitude de la carte Moisel au 1/300.000e annexée à la déclaration, l’examen des lieux ferait reconnaître comme indésirable de s’en tenir exactement à la ligne indiquée.La délimitation sur le terrain de ces frontières sera effectuée conformément aux dispositions de ladite déclaration.Le rapport final de la commission mixte donnera la description exacte de la frontière telle que celle-ci aura été déterminée sur le terrain ; les cartes signées par les commissaires seront jointes au rapport. Ce document, avec ses annexes, sera établi en triple exemplaire ; l’un des originaux sera déposé dans les archives de la Société des Nations, le deuxième sera conservé par le gouvernement de la République et le troisième par le gouvernement de Sa Majesté britannique.
Article 2
Le mandataire sera responsable de la paix, du bon ordre et de la bonne administration du territoire, accroîtra par tous les moyens en son pouvoir le bien-être matériel et moral et favorisera le progrès social des habitants.
Article 3
Le mandataire ne devra établir sur le territoire aucune base militaire ou navale, ni édifier aucune fortification, ni organiser aucune force militaire indigène sauf pour assurer la police locale et la défense du territoire.Toutefois, il est entendu que les troupes ainsi levées peuvent, en cas de guerre générale, être utilisées pour repousser une agression ou pour la défense du territoire en dehors de la région soumise au mandat.
Article 4
La Puissance mandataire devra :
1. pourvoir à l’émancipation éventuelle de tous esclaves et, dans un délai aussi court que les conditions sociales le permettront, faire disparaître tout esclavage domestique ou autre ;
2. supprimer toute forme de commerce d’esclaves ;
3. interdire tout travail forcé ou obligatoire, sauf pour les travaux et services publics essentiels et sous conditions d’une équitable rémunération ;
4. protéger les indigènes contre la fraude et la contrainte par une surveillance attentive des contrats de travail et du recrutement des travailleurs ;
5. exercer un contrôle sévère sur le trafic des armes et munitions ainsi que sur le commerce des spiritueux.
Article 5
La Puissance mandataire devra, dans l’établissement des règles relatives à la tenue du sol et au transfert de la propriété foncière, prendre en considération les lois et les coutumes indigènes, respecter les droits et sauvegarder les intérêts des indigènes.Aucune propriété foncière indigène ne pourra faire l’objet d’un transfert, excepté entre indigènes, sans avoir reçu au préalable l’approbation de l’autorité publique. Aucun droit réel ne pourra être constitué sur un bien foncier indigène en faveur d’un non indigène, si ce n’est avec la même approbation.La Puissance mandataire édictera des règles sévères contre l’usure.
Article 6
La Puissance mandataire assurera à tous les ressortissants des États membres de la Société des Nations les mêmes droits qu’à ses propres ressortissants, en ce qui concerne leur accès et leur établissement dans le territoire, la protection de leurs personnes et de leurs biens, l’acquisition des propriétés mobilières et immobilières, l’exercice de leur profession ou de leur industrie, sous réserve des nécessités d’ordre public et de l’observation de la législation locale.
La Puissance mandataire pratiquera, en outre, à l’égard tous les ressortissants des États membres de la Société des Nations et dans les mêmes conditions qu’à l’égard de ses propres ressortissants, la liberté du transit et de navigation et une complète égalité économique, commerciale et industrielle, excepté pour les travaux et services publics essentiels, qu’elle reste libre d’organiser dans les termes et conditions qu’elle estime justes.Les concessions pour le développement des ressources naturelles du territoire seront accordées par le mandataire, sans distinction de nationalité entre les ressortissants des États membres de la Société des Nations, mais de manière à maintenir intacte l’autorité du gouvernement local.
Il ne sera pas accordé de concession ayant le caractère d’un monopole général. Cette clause ne fait pas obstacle au droit du mandataire de créer des monopoles de caractère purement fiscal dans l’intérêt du territoire soumis au mandat et en vue de procurer au territoire les ressources fiscales paraissant le mieux s’adapter aux besoins locaux, ou, dans certains cas, de développer les ressources naturelles, soit directement par l’État, soit par un organisme soumis à son contrôle, sous cette réserve qu’il n’en résultera directement ou indirectement aucun monopole des ressources naturelles au bénéfice du mandataire ou de ses ressortissants, ni aucun avantage préférentiel qui sera incompatible avec l’égalité économique, commerciale et industrielle ci-dessus garantie.Les droits conférés par le présent article s’étendent également aux sociétés et associations organisées suivant les lois des États membres de la Société des Nations, sous réserve seulement des nécessité d’ordre public et de l’observation de la législation locale.
Article 7
La Puissance mandataire assurera, dans l’étendue du territoire, la pleine liberté de conscience et le libre exercice de tous les cultes, qui ne sont contraires ni à l’ordre public ni aux bonnes mœurs ; elle donnera à tous les missionnaires ressortissants de tout État membre de la Société des Nations la faculté de pénétrer, de circuler et de résider dans le territoire, d’y acquérir et posséder des propriétés, d’y élever des bâtiments dans un but religieux et d’y ouvrir des écoles, étant entendu, toutefois, que le mandataire aura le droit d’exercer tel contrôle qui pourra être nécessaire pour le maintien de l’ordre public et d’une bonne administration et de prendre à cet effet toutes mesures utiles.
Article 8.
La Puissance mandataire étendra aux territoires le bénéfice des conventions internationales générales, applicables à ses territoires limitrophes.
Article 9
La Puissance mandataire aura pleins pouvoirs d’administration ou de législation sur les contrées faisant l’objet du mandat. Ces contrées seront administrées selon la législation de la Puissance mandataire comme partie intégrante de son territoire et sous réserve des dispositions qui précèdent.La Puissance mandataire est, en conséquence, autorisée à appliquer aux régions soumises au mandat sa législation sous réserve des modifications exigées par les conditions locales et à constituer ces territoires en unions ou fédérations douanières, fiscales ou administratives avec les territoires avoisinants relevant de sa propre souveraineté où placés sous son contrôle, à condition que les mesures adoptées à ces fins ne portent pas atteinte aux dispositions du présent mandat.
Article 10
La Puissance mandataire présentera au Conseil de la Société des Nations un rapport annuel répondant à ses vues. Ce rapport devra contenir tous renseignements sur les mesures prises en vue d’appliquer les dispositions du présent mandat.
Article 11
Toute modification apportée aux termes du présent mandat devra être approuvée au préalable par le Conseil de la Société des Nations.
Article 12
Le mandataire accepte que tout différend, quel qu’il soit, qui viendrait à s’élever entre lui et un autre membre de la Société des Nations, relatif à l’interprétation ou à l’application des dispositions du mandat et qui ne soit pas susceptible d’être réglé par les négociations, soit soumis à la Cour permanente de justice internationale, prévue à l’article 14 du pacte de la Société des Nations.Le présent acte sera déposé en original dans les archives de la Société des Nations. Des copies certifiées conformes en seront remises par le secrétaire général de la Société des Nations à tous les membres de la société.
Fait à Londres, le 20ème jour de juillet mil neuf cent vingt-deux.