22 novembre 2024

conflit foncier: Bras de fer entre le clan Bell et le groupe américain Marriott International

Les populations autochtones de Bali-Dikolo s’opposent au projet de construction d’un hôtel de luxe sur les terres qu’elles estiment appartenir à la propriété privée Njo Njo. Le groupe hôtelier américain a obtenu du gouvernement camerounais un bail emphytéotique de 50 ans renouvelables sur le site querellé. Lesdites populations disposent de 30 jours pour quitter les lieux.

Le processus de construction de l’hôtel Marriott de Douala a incontestablement pris une tournure décisive le 10 août 2020. Une délégation de représentants du groupe américain Marriott International était reçu par Henri Eyebe Ayissi, le Ministre des domaines, du cadastre et des affaires foncières (Mindcaf). Ces investisseurs avaient à leur tête, Olivier Chi Nouako, un avocat canadien d’origine camerounaise, par ailleurs Président directeur général d’Immigration and business Canada, entreprise dont le siège social est basé au Canada. Au terme de leur audience avec Henri Eyebe Ayissi, le groupe avait décroché un bail emphytéotique auprès du Cameroun, pour une durée de 50 ans renouvelables. Le bail porte sur une superficie de 4 hectares située au quartier Bali-Dikolo, Canton Njo Njo (Bell), Arrondissement de Douala 1er. 

Après plusieurs contacts pris au plus haut niveau de l’État du Cameroun pour la construction d’un hôtel 5 étoiles, Olivier Chi Nouako et ses partenaires envisageaient démarrer ce vaste chantier en fin janvier 2020. Rendu au 9 novembre 2021, près d’un an après, le site reste intact. Aucune trace des travaux annoncés. La cause de ce retard est à retrouver dans la fronde observée par les occupants du site. De centaines de familles, en majorité des populations autochtones Sawa du Canton Njo Njo, dont des descendants de Rudolf Duala Manga Bell, figure historique de la lutte contre les expropriations du pouvoir colonial Allemand: «le terrain disputé est une propriété privée du Canton Bell. Des familles dont les générations remontent à plus de 250 ans vivent en ces lieux. Du jour au lendemain, on leur demande de déguerpir», s’est indigné Charles Henri Moukouri Manga Bell, élite du Canton Bell et habitant du quartier Bali-Dikolo. 

Expulsion

La fièvre est montée depuis ce 28 octobre 2021, après le marquage des habitations sur le site par des croix de Saint-André, synonyme du compte à rebours de déguerpissement. Aux dernières nouvelles, le Préfet du Wouri aurait signé une mise en demeure y relative. Benjamin Mboutou accorde ainsi un délai de 30 jours aux occupants pour quitter le site. Le 5 novembre 2021, les populations sommés ont manifesté contre le projet d’expulsion en cours. Plusieurs pancartes dévoilaient les préoccupations de ces derniers : «Halte à l’atteinte de la mémoire de Rudolf Duala Manga Bell», «Halte à l’injustice aux Bonanjo», «libérez les TF 48/W, 120/W, 37780/W, TF 731/W, TF 6348/W, TF 1348/W, TF 27592/W, TF 46772/W, 17642/W», «Ouvrez une enquête sur le TF 750/W de 826 m2 de Bali», «oui à l’annulation du TF n° 22407/W», ou «Un hôtel n’est pas d’utilité publique», présentaient les manifestants sur leurs pancartes. Sur l’utilité publique déclarée du site, les populations dénoncent également. 

Qualifiant «d’illégal», le Décret d’utilité publique obtenu par le groupe Marriott International en mars 2019. Pointant par ailleurs un doigt accusateur sur les autorités administratives du Wouri. «Le Chef de l’État a autorisé la construction de l’hôtel Marriott 5 étoiles sur ce site pour le bénéfice de l’ensemble des populations de la ville de Douala. Nous avons informé plusieurs fois les populations de déguerpir le site. Nous devons continuer à les sensibiliser et à accompagner l’Etat pacifiquement dans ses missions», a réagi Olivier Chi Nouako. Le Marriott de Douala sera composé de 280 chambres. Le nouveau palace sera par ailleurs doté d’une salle de conférence de 1.000 places, d’une piscine, d’un centre d’affaires, d’un casino et des espaces de loisirs entre autres attractions. Le coût du projet est estimé à 60 milliards de FCFA. La fin des travaux est prévue courant 2023. 

Mbembe

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