Interview avec Abbas Mahamat Tolli (2ème partie): sur la gouvernance de la Banque Centrale… »Je ne vais pas me compromettre dans le recrutement des jeunes recrues de 20-30 ans de carrière à la Banque Centrale… »
Rapports hiérarchiques, compétences, nominations, rôle des États etc….le Gouverneur de la Beac apporte des détails sur le fonctionnement de la Banque centrale, au moment où, il est accusé de favoritisme et de violation de compétences attribuées.
– D’aucuns estiment que vous n’incluez pas le maximum des ressources de la Banque en termes de direction, dans la prise de décision. Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de « gouverner la Banque seul avec une batterie de conseillers », qui remplace les organes directionnels devant vous accompagner ?
Les réformes de la gouvernance au niveau de la Banque Centrale ont consisté d’abord à clarifier les rôles entre les différentes composantes (comité d’audit, gouvernent de la banque…). Il faut que le règlement intérieur au niveau des différentes instances soit clarifié, et la répartition des rôles précisée. Qu’il n’y ait pas de télescopage des compétences, et que les choses soient bien définies. An niveau du staff de la Banque Centrale, nous avons revu notre organigramme avec une meilleure répartition des rôles et des précisions de tâches. Nous avons des directions centrales qui sont en dessous des départements des services. Au-dessus, nous avons des directions générales, des secrétariats généraux, et puis le Gouverneur, le vice-Gouverneur. Ce sont les membres qui composent le Gouvernement de la banque, qui prennent des orientations du Conseil d’administration, qui déclinent des orientations d’actions.
C’est une réunion où les décisions sont prises de façon collégiale. Toutes nos décisions sont sanctionnées par des minutes de nos réunions, avec des procès verbaux signés par tous les membres présents. Cependant, chaque décision est mise en application par le membre qui est concerné au niveau de son pôle. Le Gouverneur coordonne le suivi de l’ensemble de ces décisions, de ces actions. Les Conseillers aident le Gouverneur dans l’analyse des dossiers que nous recevons, dans la gestion. les décisions, nous les prenons ensemble et ils assistent quotidiennement le Gouverneur dans l’exercice de ses fonctions.
Au niveau des directions centrales, les nominations se font par les États membres, au nombre des réformes que nous avons prises. On avait décidé que cela devait changer, parce que ceux qui font carrière à la Banque Centrale pendant 20, 25 voire 30 ans, sont mis de côté au moment où ils aspirent à devenir directeurs, du fait qu’ils n’ont pas de vitrine politique dans leurs États respectifs, au profit d’autres personnes dont le profil n’a rien à voir avec les métiers de la Banque Centrale. C’est décourageant pour quelqu’un qui a fait toute sa carrière ici, parce qu’au moment où il aspire à finir sa carrière au niveau des responsabilités, il voit subitement quelqu’un débarquer de nulle part.
On a changé ça ! Les textes donnent pouvoir au Gouverneur de nommer les Directeurs centraux. Mais moi je fais passer des concours lorsqu’un poste est vide pour recruter les meilleurs. Donc, c’est sur cette base que le choix est fait. Ca permet une émulation saine de tous ceux qui peuvent compétir, et le choix est fait sur la base des compétences avérées. Ce concours n’est pas organisé en interne, c’est un concours externe organisé par un cabinet. Pour plus d’efficacité et d’objectivité dans les choix, nous avons décidé d’externaliser cela. Je ne travaille pas avec des collaborateurs des membres de gouvernement, parce qu’ils prennent leur décision eux-mêmes.
– Quel bilan faites-vous de la conformité des opérations et du droit des candidats de concourir à égalité de chance, dans le recrutement d’agents en cours à la Beac?
Il n’y a pas eu d’anomalies dans ce concours. Quand je choisis de faire passer des concours pour la nomination des Directeurs à des postes stratégiques, c’est en toute légitimité. Quand je choisis malgré cela de faire passer un concours pour permettre aux candidats de concourir de façon équitable, d’assurer l’égalité des chances, je ne vais pas me compromettre dans le recrutement des jeunes recrues de 20-30 ans de carrière à la Banque Centrale. Sur cette affaire, le comité d’audit a produit son rapport, et aucune malversation, ni de favoritisme dans le recrutement n’a été enregistré.
Une polémique visant à décrédibiliser le processus a été lancée, dans le seul but d’entacher la crédibilité de l’institution et celle du Gouverneur. D’ailleurs, la Cour de justice qui a été saisi sur la répartition des rôles dans ce qui s’était passé avait conclu que la Banque était dans son bon droit de faire passer ces concours et qu’il n’y avait pas de problème, ni d’inconformité, quant au rôle du Gouverneur. Le concours a été lancé. le comité d’audit qui s’est penché sur cette affaire n’avait constaté aucune irrégularité.
Cependant, nous avons regretté des difficultés matérielles dans l’organisation du concours dans certains centres de la Cemac. Et cela était du ressort du prestataire qui avait été recruté. Entre le manque de copies dans certains endroits, le non-respect des horaires, certains candidats qui ont passé le concours en certaines langues, ont également évoqué quelques difficultés, quant à la disponibilité des copies de la langue choisie. Dans le rapport du comité d’audit, ces éléments bien que regrettables, n’entachaient pas la crédibilité de l’opération du concours, tel qu’il a été passé. On parle de plus de 10.000 candidats présentés.
Gad Samy (Ripostescm.net ) avec Guy Fondop (Fortune Afrique)