La lourde défaite de Coton sport de Garoua à domicile, le vendredi 17 Mars 2023, face à Al Ahly d’Égypte (0-4), et qui n’avait rien d’une surprise, a définitivement scellé le sort de la bande à Gabriel Hamann, en Ligue des Champions. Avec 2 buts marqués pour 14 encaissés, après quatre matchs, le bilan pourrait s’alourdir lors du déplacement en Afrique du Sud, pour la 5ème et dernière journée, face à Mamelodi Sundowns. Mais au-delà de cette contre-performance de Coton sport en compétition Africaine, qui suscite une vive polémique, c’est le football camerounais dans son ensemble qui est questionnable. Le coach Martin Bille Tanga n’est pas aller de main morte, pour dresser une autopsie du football local.
– Quelles leçons doit-on tirer de cette contre performance de Coton Sport en Ligue des Champions ?
La faillite actuelle de Coton sport de Garoua est, en fin de compte, peut-être une bonne chose pour donner le clairon du réveil et de la révolte, à condition d’en prendre conscience, en se posant de bonnes questions, et qu’on mette politique, stratégie, plans et moyens pour cela.
– En 2019, Coton sport de Garoua, a pourtant atteint le stade des demi-finales de la coupe de la Caf. Que faut-il au football camerounais pour retrouver ses lauriers des années 70 ?
Il est important de faire un flash back dans les années 70, par rapport à certains aspects de l’encadrement, de la valeur des acteurs, et faire une comparaison avec ce qui se fait aujourd’hui. L’entraînement et l’encadrement ont connu, certes de très grosses évolutions par rapport aux années 70 et 80, mais, je suis convaincu qu’il y a des choses à tirer de nos prédécesseurs.
– En quoi constitue la différence entre ces deux époques ?
Tenez! Et si je vous dis qu’aujourd’hui qu’au Cameroun, les joueurs travaillent moins qu’il y a 30-40 ans, et qu’ils sont moins bien encadrés et entretenus… Alors que presque tous les autres pays ont plutôt progressé dans ces domaines ? Pendant que les autres nations empruntaient le train de la progression, au Cameroun, on a pris le chemin inverse.
– De votre vécu, à quel moment a t-on commencé à trébucher ?
En fait, on s’est laissé berner proprement. Les camerounais étaient des férus de travail, des bosseurs infatigables, c’est le mental et les qualités développés depuis les années 70 – 80. On se souvient de ces interminables et éreintants stages bloqués pour nos sélections ou clubs en compétitions internationales qui ressemblaient plus à des formations militaires, qu’à des séminaires de formation en virtuosité technique pour pianistes. Les lions doivent leur élogieux parcours en 1990 à une préparation « mortelle ». Quasiment tous les joueurs étaient conscients que si on ne bosse pas, on ne va nulle part. C’était souvent brut, parfois sauvage, mais, ça formait des guerriers.
– Pensez-vous que l’entraînement camerounais est également comptable de cette situation ?
Au Cameroun, les stages de formation des entraîneurs ont véritablement commencé au début des années 2000. On présentait aux stagiaires des protocoles où on retrouvait, certes le travail du blanc, mais, seulement en certains de ses pans. D’ailleurs, un instructeur m’avait même dit qu’il était interdit de faire faire les 100m à un footballeur. Mon Dieu ! À se demander comment un joueur aurait la capacité de faire une bonne contre-attaque en partant de sa propre surface de réparation.
– Y a-t-il donc lieu de craindre sur la qualité des modules de formation de nos entraîneurs locaux?
La plupart des protocoles présentés aux stagiaires en termes de modèle sont tronqués dans le programme. Si vous faites des séances de 1h20-1h30, pourquoi ne complétez vous pas par des séances de musculation en salle comme les blancs le font ? Le footing, même s’il donne de l’endurance, permet-il de gagner des duels ? Sans travail spécifique de la force, comment va t-on améliorer sa vitesse, sa vivacité, son explosivité ?
– La préparation physique pratiquée aujourd’hui ne corrige t’elle pas ces manquements ?
Les stages pour préparateurs physiques ont été organisés, mais en 5 jours. Il est illusoire de penser devenir un crack de la préparation physique. Conséquence : beaucoup de techniciens sont réputés être des preparateurs physiques, mais ont toutes les peines du monde à quantifier les charges, à manipuler les variables, à rattraper les errements du coach principal etc… Et le comble dans tout ça, il y a des gens qui pensent qu’on fait trop travailler les joueurs chez nous, et qu’on est en train de les détruire, alors que certains se sont habitués à des sollicitations de sénateurs.
Propos recueillis par Sylvain Kwambi