20 septembre 2024

Marché financier: Mathurin Doumbe Épée, le premier Directeur général de la Douala stock exchange se livre 

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« Les banques n’ont pas de ressources pour financer des investissements qui portent sur 8, 9, 10 ans. C’est la bourse. Les États doivent donc l’impulser, et le privé suivra… »

Votre site d’informations Ripostescm.net a rencontré à Douala, l’ancien Directeur général de la Douala stock exchange, ex-président du conseil d’administration de Société générale Cameroun, dans les coulisses des « Cemac Capital Market Awards », cérémonie de récompenses des acteurs du marché financier sous-régional, où il a été désigné comme Directeur scientifique. Avec plus de 40 ans d’expériences dans le secteur de la haute finance, le banquier est revenu, dans une interview, sur le processus de mise en oeuvre de la toute première bourse des valeurs mobilières du Cameroun, les freins au développement d’un marché financier sous-régional, et les perspectives de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale.

– Comment débute l’histoire de la Douala stock exchange?

Il avait été décidé de créer une bourse en Afrique Centrale au début des années 2000. La question qui se posait était de savoir, quel pays allait abriter le siège social de cette bourse. Les Chefs d’Etat se sont réunis et ont décidé de faire de Libreville, le siège social de la bourse régionale. Le Chef de l’État Camerounais a estimé que le Cameroun concentrait plus de 40% du produit intérieur brut de la sous-région et logiquement, devait abriter le siège de cette institution.

Il n’était donc pas question qu’on laisse ce siège à Libreville. Il a donc décidé de créer la bourse du Cameroun. C’est là qu’on a fait appel à moi. J’ai donc pris la tête de la Douala Stock Exchange en 2001. 

– Comment le processus de mise en place de la Douala stock exchange s’est-il déroulé?

Pendant 3 ou 4 ans, je me suis attelé à former une équipe et à monter la bourse. Ma feuille de route qui était de la démarrer, avant Libreville, avait été entièrement réglée. Par la suite, le président Omar Bongo a créé sa bourse. Du coup, deux bourses en Afrique Centrale ne se justifiaient plus. Ça a donc été une bonne chose de réunir les deux bourses en une seule, qui est la Bvmac (Bourse des Valeurs Mobilières d’Afrique Centrale). Voilà donc l’histoire. Je dois également dire que pendant les années que j’ai passé à la Douala stock exchange, il a fallu créer de toute pièce, une bourse qui n’existait pas au Cameroun, c’est-à-dire, bâtir les règles du marché, les conditions d’interventions etc….C’est une affaire qui a pris 4 à 5 ans de ma vie, sans vacances. Je suis donc ravi que ce que nous avions fait, ait porté des fruits à l’heure actuelle. J’ai été invité par « La Lettre de la Bourse » pour raconter cette histoire, avec cette première génération qui m’avait aidé. Dans cette génération, vous avez la présidente actuelle de la Cosumaf, Jacqueline Adiaba, le Dr. Louis Banga Ntolo, qui était avec moi à  Société générale à l’époque et qui est aujourd’hui le Directeur général de la Bvmac.

– 23 sociétés cotées à la Bvmac, après plusieurs années. Ce chiffre est-il raisonnable ?

J’ai discuté avec des étudiants. Ce qui me frappe c’est qu’ils n’ont pas beaucoup d’ouverture sur l’extérieur.  Je leur ai demandé s’ils savent ce qu’on appelle la Brvm. Aucun ne le savait, pourtant, c’est la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières Ouest-africaine. Rien que sur le compartiment des actions, la Brvm a une soixantaine de valeurs. C’est donc-là qu’on voit tout le chemin qu’il y a à parcourir pour la Bvmac, et qui reste énorme. On a commencé, c’est bien. Mais le chemin qui reste à parcourir est encore très important. Les États devraient mettre chacun trois titres sur le marché. Il faut accélérer ce processus. La bourse démarre parce que les États l’impulsent, et le privé suit après. Je pense que nous sommes dans la bonne direction, mais il faut accélérer le mouvement, parce que le progrès n’attend pas. Si nous on piétine, d’autres avancent. Le message que je voulais passer à la nouvelle génération, est qu’elle devienne à son tour, ambassadeur de ce marché financier, pour sensibiliser le plus grand nombre à s’inscrire à la bourse. C’est un instrument qui accompagne le financement de l’économie, à côté des banques. Les banques n’ont pas de ressources pour financer des investissements qui portent sur 8, 9, 10 ans. C’est la bourse.

– Pensez-vous qu’il y’a un frein politique des Chefs d’État de la sous-région de la rendre plus compétitive?

C’est  l’un de mes grands regrets. Encore une fois, j’ai demandé aux étudiants la production du cacao du Cameroun. Un m’a dit 12.000 tonnes. Je lui ai répondu que c’est trop petit. Un autre a dit 200.000 tonnes. J’ai dit qu’on commence à mordre. Et quand on atteint 300.000 tonnes, on appelle la fanfare. Mais est-ce que vous connaissez celle de Côte d’Ivoire ? Ils me disent non. C’est 2.000.000 tonnes. Il est premier producteur mondial de cacao. Pourtant il y a 40 ans, on était au même niveau avec la Côte d’Ivoire. Il y a donc un progrès énorme à faire. Il faudrait amener les problèmes économiques et financiers au cœur de nos préoccupations. C’est l’économie qui  crée les emplois. Nous sommes dans la bonne direction, mais il y a encore beaucoup d’efforts à faire. Notre rôle aujourd’hui, c’est de former cette nouvelle génération, l’amener à s’intéresser à la chose financière, toujours dans l’humilité. C’est dans ce sens que j’ai donné des cours à l’Iric, en Côte d’Ivoire.

Propos recueillis par Dim Dim

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