Trafic de drogue: les forces de l’ordre dépassées par la déferlante du fléau
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(Dossier, Jean Adoul). Le Cameroun est devenue, en Afrique centrale, la plaque tournante de la vente et la consommation de drogues et autres produits stupéfiants. Bien que les réseaux d’approvisionnement soient bien connus, le phénomène reste incontrôlable. Il est alimenté par un circuit bien organisé qui génère annuellement de centaines de milliards de FCFA, malgré les les dispositifs de contrôle existant et les opérations coup de poing menées par la police ou la gendarmerie.
Le 5 avril 2022, les éléments de la douane camerounaise interceptaient dans la localité de Kyé-Ossi, Région du Sud, 1 kilogramme de cannabis. Auparavant, le 17 septembre 2021, à Magada, dans la région de l’extrême-nord, les agents de cette administration ont saisi 100 kilogrammes de drogue du même type. À l’instar des régions du centre et de l’Extrême-Nord, toute l’étendue du territoire national est concernée par ce phénomène. De sources policières, les réseaux d’approvisionnement sont bien identifiés. Les filières nigérianes, asiatiques et européennes arrosent périodiquement le marché camerounais de la drogue. Par voie arienne, maritime ou fluviale, et terrestre.
Si les forces de l’ordre et de surveillance du territoire national s’illustre régulièrement par des prises et saisies des cargaisons de drogues en provenance ou à destination du Cameroun, la situation demeure préoccupant au regard de l’ampleur que prend le phénomène au fil des années. Sa montée laisse évidemment croire que ces arrestations ne reflètent pas la réalité des leurs interventions, tous corps habillés confondus.
Les zones de pénétration de ces produits sont répertoriés par les forces de l’ordre et la douane camerounaise. Pour la ville de Douala par exemple, il s’agit particulièrement de la pénétrante Ouest (en provenance des régions du Nord-ouest, de l’Ouest et du Sud-ouest), la pénétrante Est (en provenance des régions du Centre, du Sud et de l’Est). Des petits villages situés sur les berges du fleuve Wouri constituent également de foyers de ravitaillement en drogues (Cannabis et Tramadol): le village Bwadibo (entre Bonaberi et Dibombari), le débarcadère artisanal du lieu-dit «Port de Marseille», à Akwa-Nord dans l’Arrondissement de Douala 1er, Youpwe dans l’Arrondissement de Douala 2ème, et Mbanga Pongo à Douala 3ème.
Les dealers sont également bien identifiés par les sources policières. Les quartiers Bonapriso ou Akwa, dans l’arrondissement de Douala 1er, Makea ou New-Bell dans l’arrondissement de Douala 2ème, Dakar, Ndogpassi et Bassa dans l’arrondissement de Douala 3ème, Bonaberi dans l’arrondissement de Douala 4ème, Makepe et Bonamoussadi dans le 5ème arrondissement de Douala, font office de bases fortes de ce trafic géant.
Comment expliquer sa persistance malgré une forte présence de la police, la gendarmerie et la douane? Plusieurs thèses sont évoquées pour justifier: la porosité des frontières, l’insuffisance des moyens d’intervention, mais également la corruption de certains agents en charge du contrôle, de la surveillance du territoire et du maintien de l’ordre public. Par ailleurs, il est à noter que les dealers de ce trafic innovent régulièrement en usant de nouvelles techniques de camouflage et de pénétration dans toute l’étendue du territoire national. On évoque également la thèse de puissants lobbies qui protégeraient certains dealers, pourtant bien connus.
Conséquence, le commerce de la drogue se porte bien, malgré les actions multi-corps engagées par les pouvoirs publics.