Abbas Mahamat Tolli: « Seulement 3 de mes proches sont admissibles…Ce n’est pas interdit»
Suite à la correspondance du Président du Comité ministériel de l’UMAC, Président du Conseil d’administration de la Beac, donnant injonction au Gouverneur de la Beac de convoquer des sessions extraordinaires du Conseil d’administration et du Conseil ministériel, le Gouverneur de la Beac apporte des clarifications sur le processus ayant conduit aux admissibilités du concours d’encadrement supérieur organisé au sein de cette institution. Abbas Mahamat Tolli se prononce également sur les prérogatives dévolues distinctement au Conseil d’administration et au Gouvernement de la Beac, conformément aux Statuts de cette Banque centrale.
«Je n’ai jamais été accusé de corruption ni de népotisme, ce n’est pas au détour d’un recrutement de la banque à une année et demi de mon mandat, que je vais commettre une telle forfaiture….. Je ne cherche pas à savoir qui est derrière ça, il n’y a pas eu d’irrégularités dans l’organisation de ce concours, voilà ce que je tiens à dire à ce stade». Abbas Mahamat Tolli, le Gouverneur de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), répondait ce 6 août 2022 aux questions posées par nos confrères de Radio France Internationale (RFI), sur la polémique autour des recrutements au sein de cette
institution financière centrale de la sous-région.
Tout en précisant dans la même interview, que rien n’interdit au sein de la BEAC à des proches de dirigeants de se présenter au concours de recrutement, le Gouverneur Tchadien reconnaît toutefois que «3 de ses proches ont franchi le cap des admissibilités» du concours d’encadrement lancé par la Beac.
En effet, dans le cadre de la politique de recrutement de cadres et d’ascension interne de ses employés, la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) a lancé un concours d’encadrement supérieur mixte. Les épreuves écrites y relatives se sont déroulées le 28 mai 2022, au bénéfice des candidats des 6 États membres de la Cemac (Communauté économique des États de l’Afrique centrale). Plusieurs postes étaient à pourvoir dans des spécialités précisément définies: l’actuariat, la comptabilité, la gestion et la finance, le droit, l’ingénierie de génie civil, la gestion des réserves de change, la gestion des ressources humaines, l’informatique, le management des projets, la monétique, l’audit et contrôle, et la traduction. Au terme de ce concours auquel prenaient part des candidats externes et internes, sous l’organisation d’un cabinet international spécialisé.
Les épreuves écrites effectuées régulièrement ont débouché sur la publication d’une liste d’admissibles le 29 juillet 2022. 184 au total dans les spécialités sus-évoquées. Ladite liste a pourtant fait l’objet, ce 1er août 2022, d’une réaction de Hervé Ndoba. Dans cette correspondance, le Président du Comité ministériel de l’UMAC (Union monétaire d’Afrique centrale) fait état «d’incidents significatifs de nature à altérer la crédibilité», dudit concours. «…..Il m’est donné de constater que la publication des premiers résultats de ce concours fait apparaître des situations et exemples dont il est certain, pour le moins, qu’ils portent indubitablement et gravement préjudice à l’image de la Banque, m’obligeant à intervenir en tant que Président de deux des structures constituant les organes décisionnels de l’Institut d’émission, dont l’image constitue l’actif le plus fondamental», ajoute Hervé Ndoba. Qui instruit par conséquent Abbas Mahamat Tolli «de surseoir, de manière immédiate, à ce processus de recrutement. Une évaluation approfondie en sera faite par le Conseil d’administration de la Beac et le Comité ministériel de l’Umac dont vous voudrez bien faire convoquer promptement des sessions extraordinaires afin que des mesures adéquates soient prises et que des orientations précises vous soient communiquées», mentionne derechef le Centrafricain.
Dans une correspondance incidente du 2 août 2022, le Gouverneur de la BEAC a apporté des clarifications sur le processus de recrutement des agents d’encadrement supérieur au sein de l’institution monétaire. Abbas Mahamat Tolli a rassuré le Président de l’Umac, par ailleurs Président du Conseil d’administration de la Beac «que le processus de recrutement en cours est conduit et organisé de bout en bout par un cabinet international, qui bénéficie pour cela de l’appui d’une Commission ad hoc mise en place au sein de la Banque», précise le Gouverneur de la Beac. Rappelant le principe de subsidiarité et de bonne gouvernance qui régissent les interrelations entre le Gouvernement de la Banque et ses organes décisionnels. Abbas Mahamat Tolli s’appuie sur l’article 1.4 du Statut régissant les encadrement supérieur, qui selon le Gouverneur de la Beac, «donne compétence au Gouverneur pour recruter, nommer et révoquer le personnel dont la nomination ne relève pas du Conseil d’administration».
Dans le même élan, le Gouverneur de la Beac énonce les articles 32, 33, et 34 des Statuts de la Beac, qui définissent les missions et les prérogatives du Conseil d’administration. Sur la position du Gouvernement de la Beac qu’il dirige, Abbas Mahamat Tolli, insiste sur ses attributions définies à l’article 47 des Statuts de la Beac: «À cet effet, le Gouvernement de la Banque, sous la conduite du Gouverneur, organise les services de la Banque centrale (article 47.4 des Statuts de la Beac), recrute, nomme et révoque le personnel dont la nomination ne relève pas du Conseil d’administration (article 47.5 des Statuts de la Beac)». In fine, ce dernier tire les conséquences du confort juridique des articles précités figurant dans des Statuts de la Beac. D’après Abbas Mahamat Tolli, «aucun organe ne saurait s’immiscer dans les attributions du Gouvernement de la Beac exercées en toute transparence et dans l’intérêt supérieur de l’institution, sans causer d’entorse aux principes de subsidiarité et de gouvernance sus-évoqués, ainsi qu’au sacro-saint principe de l’indépendance de la Banque centrale». Invoquant l’article 47.5 des Statuts de la Beac, Abbas Mahamat Tolli constate également que «contraindre le Gouverneur de la Banque centrale à convoquer des sessions extraordinaires du Conseil d’administration et du Conseil ministériel sur une question relevant purement de la gestion opérationnelle, est contraire aux Statuts de la Banque centrale et constituerait un dangereux précédent»
Rappelons que c’est en 2017 que la Beac a décidé de procéder à un recrutement d’un supplément de personnels, ainsi que de la promotion interne d’employés sur une base de compétence égalitaire. La première phase de ce processus a débuté ce 28 mai 2022, avec la phase écrite. La publication des résultats d’admissibilités intervenue ce 29 juillet 2022 sera suivie, d’épreuves orales et tests psychotechniques des candidats, du 29 août au 4 septembre 2022, exclusivement au siège de la Beac à Yaoundé, ainsi qu’au bureau de Paris en France.
Jean Adoul