Crevettes: 67% de la production locale achetés par les ménages aisés
Avec une production officielle d’environ 400 tonnes par an, et réelle de plus de 5000 tonnes, de riches particuliers raflent plus de la moitié de la production de
gambas, crevettes roses, crevettes grises et crevettes tigrées, pour leur consommation. 80% de la production crevettière nationale sont, en effet, absorbés par des acteurs locaux, et 20% exportés vers l’étranger.
L’industrie crevettière du Cameroun continue de chercher ses marques sur le marché international. Après un cumul de sanctions reçues de l’Union Européenne (Ue), ce segment de la filière halieutique nationale est au centre des attentions du fait de son apport dans le calcul de la balance commerciale du Cameroun, et les retombées en devises. Une mission de l’Office Alimentaire et Vétérinaire (Oav) de l’UE en 2003 avait, en effet, relevé plusieurs points de non-conformité concernant l’hygiène lors de la manipulation des produits de pêche et concernant la capacité du Ministère de l’élevage, des pêches et des industries animales (Minepia) à effectuer des contrôles fiables sur ces produits.
Chaîne de valeurs
Cela a débouché sur l’auto-suspension des exportations de produits de la pêche du Cameroun vers l’Ue en 2004 et la suspension des importations
de produits de la pêche en provenance du Cameroun par l’Ue en 2009. En 2021, le Cameroun a fait l’objet d’un carton jaune par l’Ue l’invitant à renforcer son action contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée. En cas de non-respect prolongé et persistant, le
pays risque de faire l’objet d’une procédure d’identification de l’Ue (dite du carton rouge), qui comporte des sanctions portant notamment sur les échanges de produits de la pêche avec ce pays. Le gouvernement camerounais a pris l’initiative, en partenariat avec l’Union Européenne, le Ministère Fédéral Allemand de la Coopération Économique et du Développement (Bmz), et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao), de promouvoir et redynamiser la chaîne de valeurs crevettière camerounaise.
À travers le projet FISH4ACP, un programme de développement durable des chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture. Y participent également, l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) qui contribue à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, à la prospérité économique et à la création d’emplois en assurant
la durabilité économique, sociale et environnementale des chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture
en Afrique, dans les Caraïbes et dans le Pacifique. La production crevettière camerounaise oscille entre 400 et 500 tonnes par an. En 2019, 150 tonnes ont été captées par le secteur. En 2021, le Cameroun a produit environ 400 tonnes de crevettes (espèces de grande taille Penaeus monodon ou gambas, Penaeus notialis ou crevettes roses, Parapenaeopsis atlantica ou crevette grise et Penaeus Kerathurus crevette tigrée), analysées en raison de leur potentiel élevé à l’exportation.
Pêche illégale
D’après les données primaires récoltées, les quantités capturées sont estimées à environ 5.300 tonnes par an, soit environ 10 fois plus que les quantités enregistrées dans les statistiques officielles du Ministère de l’élevage, des pêches et des industries animales (Minepia). Les freins à l’émergence de véritables chaînes de valeur crevettière sont connues et répertoriées par la Fao: lacunes dans la collecte de données et par la forte prévalence de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) en raison de laquelle les captures pêchées dans les eaux territoriales du Cameroun ne sont pas enregistrées systématiquement lors du débarquement. On note également l’utilisation de métabisulfite de sodium employés par les pêcheurs industriels et certains grossistes pour empêcher le brunissement des carapaces, le bois de le fumage employé par les fumeuses,
et les emballages pour le conditionnement, la cherté du carburant
accès insuffisant à une glace de qualité en raison des fréquentes coupures d’électricité qui affectent la production, manque de ressources financières etc….
Levée de suspension
La chaîne de valeur de la crevette camerounaise englobe des activités de pêche, de transformation, de commerce de gros et de détail. Elle est composée de 10 armateurs de pêche industrielle, environ 1000 pêcheurs artisans répartis dans 380 équipages, une trentaine de transformateurs artisans, une
cinquantaine de grossistes qui sont des
poissonneries, et environ 70 détaillants qui vendent sur des étals. Par ailleurs, elle est formée d’un canal industriel, qui effectue 80% des captures, et d’un canal artisan, qui capture les 20% restants. Les crevettes sont consommées sur le marché national à hauteur de 80%, où la demande est alimentée par le secteur de l’hôtellerie-restauration et par les ménages aisés situés dans les principales villes de Douala, Yaoundé, Limbé, et Kribi (ménages aisés 67%, hôtels 14%, restaurants 14%, services traiteurs 1%).
Les 20% restants sont exportés à destination de l’Asie (Chine, Malaisie, Vietnam) par deux sociétés habilitées, ou envoyés dans la sous-région (Nigéria, Gabon, Tchad, Centrafrique, Guinée Equatoriale) par des canaux informels. Néanmoins, les quantités réellement exportées sont probablement sous-estimées dans cette étude en raison des pratiques de sous-estimation et de non-déclaration des marchandises aux frontières. Le projet FISH4ACP permettra au Cameroun d’obtenir la levée de l’auto-suspension des exportations des produits de la pêche du Cameroun vers l’Ue, la levée de la suspension des importations de produits de la pêche en provenance du Cameroun par l’Ue, et decrocher un agrément.
Joslain Yabada