Depuis le vote par l’Assemblée nationale Centrafricaine de la loi sur les cryptomonnaies, les bailleurs de fonds internationaux, les institutions financières sous-régionales, et les opérateurs économiques prennent successivement position sur la question, qui semble diviser. Provoquant un conflit de lois, et un risque de perturbation du système bancaire et financier d’Afrique centrale.
La Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac) craint sans doute, un bouleversement de la place financière d’Afrique centrale suite à l’adoption par le législateur Centrafricain du Bitcoin, comme monnaie officielle, dans ce pays de la zone Cemac (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale). Au terme d’une session extraordinaire convoquée par Abbas Mahamat Tolli, le Président de cette institution bancaire sous-régionale, l’ordre du jour portait précisément sur l’examen de l’impact des crypto-actifs sur la stabilité du système bancaire et financier de la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale).
«Afin de garantir la stabilité financière et de préserver les dépôts de la clientèle, la Cobac, a rappelé certaines interdictions liées à l’utilisation des crypto-actifs dans la Cemac, notamment, la souscription ou la détention des cryptomonnaies de quelle que nature que ce soit pour compte propre, ou pour compte des tiers, l’échange ou la conversion, le règlement ou la couverture en devise ou en franc CFA des transactions relatives aux cryptomonnaies ou ayant un lien avec celles-ci, l’interdiction du Bitcoin ou de tout autre cryptomonnaie comme un moyen d’évaluation des éléments d’actif, de passif, ou de hors-bilan des établissements assujettis», mentionne le communiqué final sanctionnant la session extraordinaire, signé d’Abbas Mahamat Tolly.
Fermeté de Bangui
La sortie du Président de la Cobac prévient ainsi tous les acteurs économiques et financiers de la Cemac, sur le cadre légal contre l’usage des cryptomonnaies pour effectuer diverses transactions. Dans un communiqué de presse rendu public le 26 avril 2022, Obed Namsio, le Ministre d’État, Directeur de Cabinet de la Présidence de la République Centrafricaine, a dévoilé la décision de ce pays d’adopter le Bitcoin: «Le Président de la République, Chef de l’État, le Pr. Faustin Archange Touadera, a pris note avec satisfaction et enthousiasme de la décision unanime de l’Assemblée nationale relative au projet de loi qui établit le cadre qui régit les crypto-monnaies et instaure le Bitcoin en tant que monnaie officielle en République Centrafricaine. L’adoption du Bitcoin en tant que monnaie officielle représente un pas décisif vers l’ouverture de nouvelles opportunités pour notre pays».
Le vote par l’Assemblée nationale Centrafricaine de la loi sur les cryptomonnaies avait déjà provoqué un rappel à l’ordre immédiat du Fonds monétaire international et de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), contre l’officialisation, par les États, de l’emploi de la monnaie virtuelle comme moyen de paiement et de transactions. Mais Bangui estime que «la République Centrafricaine n’est pas seulement le premier pays d’Afrique à adopter le Bitcoin comme monnaie de référence, mais aussi et le premier pays au monde à adopter à l’unanimité le projet de loi qui gouverne la crypto-monnaie. Nous partons sur une nouvelle voie qui va jalonner une nouvelle étape pour notre pays, tout en étant conscients des difficultés que nous allons devoir affronter pour poursuivre notre mission.
Dans une vision progressiste tournée vers l’avenir, notre Nation doit être en mesure de poursuivre son destin et de rejoindre les rangs de celles, qui, non seulement comprennent pleinement l’importance de la Blockchain, mais qui s’empressent également de la légiférer».
Conflit de lois
Pour parer à toute éventualité, «la Cobac a décidé de prendre un certain nombre de mesures visant à mettre en place un dispositif d’identification et de reporting des opérations en lien avec les cryptomonnaies», termine Abbas Mahamat Tolly dans son communiqué.
Dans une note d’information de ce mois de mai 2022, sur la cryptomonnaie, le Gicam (Groupement interpatronal du Cameroun) estime que, «de nombreux défis doivent cependant être relevés pour que la cryptomonnaie devienne une réalité en Rca. En effet, en se souvenant que la Rca est membre de la Cemac et partage le Franc CFA en commun avec six autres pays de la sous-région Afrique Centrale, ce pays est donc soumis à la Convention régissant l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (Umac) qui dispose, entre autres, que « L’unité monétaire légale des États membres de l’Union est le Franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale (FCFA)»
Toujours d’après le groupe patronal, «le développement des cryptomonnaies fondées sur la blockchain est venu combler le vide sécuritaire qui freinait l’essor des transactions sur l’Internet. La plupart des pays observent encore la prudence face au développement de cette technologie. Certains pays ont opté pour l’interdiction, dure ou souple, même s’il est difficile au niveau technique de faire respecter cette interdiction, notamment pour l’acquisition de biens et de services dématérialisés. La légalisation des cryptomonnaies par des pays comme la RCA ou Salvador est une décision non sans implications sérieuses pour ces deux pays. De fait, ce choix de grande portée qu’est l’acceptation d’actifs cryptographique, devrait s’accompagner d’autres mesures réglementaires et de facilitation opérationnelle pour faire de la cryptomonnaie un outil de développement économique et social».
Georges Semey