14 mai 2024

Hôtel Marriott de Douala: les travaux suspendus sous la pression des Sawa

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La mesure d’apaisement a été prise au terme d’une réunion urgente tenue ce 28 mai 2022 à Douala, sous la présidence de Samuel Ivaha Diboua, le Gouverneur de la Région du Littoral. Une Commission ad hoc est chargée de mener, au bout d’un mois, des études et enquêtes sur le site querellé.

La tension est visiblement retombée au sein de la Communauté Sawa. Une importante réunion d’informations a réuni ladite communauté, principalement celle du Canton Bell, avec les autorités administratives de la Région, sous la présidence de Samuel Ivaha Diboua, le Gouverneur de la Région du Littoral. Les chefs supérieurs Sawa, les responsables des domaines du cadastre et des affaires foncières, ainsi que les victimes des casses de Dikolo. D’entrée, Samuel Ivaha Diboua a fait montre de modestie et d’humilité dans son approche: «les casses conséquentes sur ce site ciblé pour la construction de ce projet hôtelier ont créé un émoi certain au sein de la communauté Belloise, au sein des populations de Douala, sans laisser indifférent le reste du monde, parfois les réseaux sociaux et le gouvernement  de la République. Moult questions s’élèvent ici et là, pour cerner en profondeur ces images choquantes….C’est fort des constats de cette atmosphère ayant poussé les victimes à manifester leur indignation que nous avons trouver nécessaire de faire appel à vous tous, pour un éclairage de la situation. Au demeurant, le gouvernement de la République ne saurait rester sourd à la détresse  d’un individu, d’un citoyen ou d’une communauté. Ainsi je voudrai solennellement présenter nos sincères regrets aux personnes impactées par ce préjudice, et les assurer qu’une solution équitable devra être trouvée à l’issue de notre rencontre», a réagi le Gouverneur de la Région du Littoral.

Conquérir la paix

Ce mot introductif donnait ainsi le ton du déroulement des échanges, poursuivis à huis clos pendant près de trois heures d’horloge. Toutefois, le cadre des discussions a été amorcé par le Gouverneur, entouré de parlementaires des circonscriptions du Wouri, du Préfet du Wouri, Benjamin Mboutou, et de Gérémi Solle, le 1er adjoint au Maire de Douala: «nous nous retrouvons ici, non pour déclencher une guerre, mais pour conquérir la paix. Le Président de la République n’a cesse d’octroyer aux citoyens frappés d’expropriation  pour déclaration d’utilité publique, pour la réalisation de multiples projets de développement de nos villes, des mesures compensatoires de retrocession foncières ou domaniales. Le cas de la Besseke avec le siège du Ngondo en est une parfaite illustration. Mais cela ne saurait occulter les effets et contours du dossier de Dikolo, dont les conclusions de nos travaux doivent être soumis  a la haute appréciation du Gouvernement de la République. Je vos propose de vous écouter afin qu’ensemble nous retrouvons urgemment les voies et moyens pour baisser substantiellement cette tension sociale», a-t-il fait observer.

Après d’âpres échanges, des recommandations fermes ont été formulées et entérinées par les autorités administratives et les parties prenantes. Il a été convenu de l’arrêt immédiat des travaux préliminaires de construction de l’hôtel Marriott sur le site de Dikolo, la reprise des études et des enquêtes aux fins de revalorisation, au cas par cas, de toutes les familles déguerpies, effectuer les corrections administratives concernant les préjudices matériel, moral et financier enregistrés par les occupants du site, et la mise en place d’une Commission ad-hoc relative aux études et enquêtes sollicitées. Ladite Commission dispose d’un  délai de de 30 jours, à compter du lundi 30 mai 2022, pour livrer ses résultats contenus dans un rapport consolidé. 

DUP truquée

Pourtant, S.M Ejangue Njanga, Chef de Bonassama, est formel sur les révendications pertinentes de la Communauté Sawa: «le Chef de l’État a donné les orientations au Gouverneur du Littoral, et c’est dans le cadre de cette concertation que nous avons eu,  que les décisions importantes ont été prises. Le site de Dikolo ne peut pas appartenir à l’État du Cameroun, car il est né à partir d’un Décret de 1957 signé par la France. Or, le Canton Bell existe depuis 400 ans. Ce Décret d’utilité publique est truqué tant dans la forme que dans le fonds. On ne peut prendre un Décret d’utilité publique pour attribuer l’actif en question à un privé. Et même plus que cela, l’article 2 du Décret de 1997 stipule qu’il n’ y a que l’État et les entités publiques qui peuvent solliciter de l’État, une expropriation pour réaliser une cause d’intérêt général. À cet effet, l’État prévoit les modalités d’indemnisation de toutes les personnes concernées par cette expropriation. C’est inscrit dans le budget de l’État. Ce Décret n’a pas été pris en compte dans les différents budgets de 2015 à 2020. Vous pouvez vérifier. Je suis un chef de la communauté Sawa c’est à ce titre que je suis venu», a justifié l’élite.

Hormis cette position, plusieurs propositions ont été évoquées par la Communauté lésée. Il s’agit de celles portant annulation du Décret  n°2020/0004 du 9 janvier 2020, portant expropriation pour cause d’utilité publique, incorporant au domaine privé de l’État, des terrains d’une superficie de 2ha, 63a, 30ca, la restitution pure et simple du site aux propriétaires et la réparation des dommages issues des casses, le recasement des déguerpies dans des résidences administratives, ou la révalorisation des indemnisations. Un Bureau des requêtes est ouvert auprès des services de la Préfecture du Wouri. 

63 propriétaires terriens

À titre de rappel, après avoir obtenu le 10 août 2020, un bail emphytéotique auprès du Cameroun, pour une durée de 50 ans renouvelable. Le bail porte sur une superficie de 4 hectares située au quartier Bali-Dikolo, Canton Njo Njo (Bell), Arrondissement de Douala 1er, Olivier Chi Nouako, avocat canadien d’origine camerounaise, vivant au Canada,  par ailleurs président directeur général de l’entreprise «Immigration and business Canada», entreprise dont le siège social est basé au Canada, a commandé le 14 mai 2022, des casses de toutes les constructions érigées sur le site de Dikolo. 63 propriétaires terriens et de dizaines de locataires ont été dépossédés de leurs immeubles, conformément au Décret du 9 janvier 2020, qui leur accordait un montant global d’indemnisation de 322, 5 millions de FCFA. 

Dans une récente déclaration, Olivier Chi Nouako se défendait à propos: «le Chef de l’État a autorisé la construction de l’hôtel Marriott 5 étoiles sur ce site pour le bénéfice de l’ensemble des populations de la ville de Douala. Nous avons informé plusieurs fois les populations de déguerpir le site. Nous devons continuer à les sensibiliser et à accompagner l’État pacifiquement dans ses missions». 

L’hôtel Marriott de Douala sera composé de 280 chambres, d’une salle de conférence de 1.000 places, d’une piscine, d’un centre d’affaires, d’un casino et des espaces de loisirs entre autres attractions. Coût du projet, 60 milliards de FCFA. Fin des travaux prévue en 2023.

Félix Beda

Composition de la Commission ad hoc

Président : Aboubakary Haman Tchiouto, Secrétaire Général des Services du Gouverneur de la Région du Littoral

– Secrétaire Général:  2ème  Adjoint Préfectorale du Wouri.

– Rapporteur : Délégué Régional du Mindcaf pour le Littoral

– Membres : S.M. Jean Yves Eboumbou Douala Manga Bell (Chef supérieur du Canton Bell), Honorable Thomas Tobbo Eyoum, deux représentants des familles déguerpies, les Élus Soppo Toute Marlyze et Albert Dooh Collins, Dr. Roger Mbassa Ndine.

– Personnalités Ressources : Valère Épée, S.M Edjangue

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