En proie à de sérieuses difficultés financières, Eneo Cameroon S.A, entreprise de production et de distribution du courant électrique au Cameroun, va-t-elle finalement déclarer faillite? La pertinence de cette question se justifie par des chiffres d’exploitation catastrophiques de cette entreprise dont le Britannique Actis détient 51% de parts d’actions, et qui envisage se retirer de cet actionnariat, qu’il partage entre autres avec l’État du Cameroun. Quelques chiffres révélateurs apportent des éclairages pertinents sur les difficultés que rencontre l’énergéticien. La trésorerie nette d’Eneo présente, entre 2017 et 2022, un déficit abyssal de 133,1 milliards de FCFA. Soit une régression de près de 500%. Le fonds de roulement de l’entreprise a également connu sous la même période, un important recul qui se situe entre 117 milliards de FCFA et 190 milliards de FCFA (près de 63%). D’après les experts, Eneo présente tous les signes d’une entreprise en quasi-faillite. Pourtant, des experts envisagent des solutions durables pour sortirla société du rouge. Une thérapie de choc qui implique 4000 milliards de FCFA d’investissements en mode partenariat public privé dans le segment « Production », et des financements de l’ordre de 1200 milliards de FCFA dans le segment « Transport », entre autres.
Malgré la nomination d’un nouveau Directeur général, le 29 juin 2022, en la personne d’Amine Homman Ludiye, qui a présenté les grandes lignes de son plan de redressement, Eneo Cameroon S.A et sa maison-mère Actis, entendent fermement se désengager de leurs activités au sein de cette entreprise. De bonnes sources, plusieurs entités dont la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps) et la Société nationale des Hydrocarbures (Snh) se positionnent comme de sérieux repreneurs de ces actifs. Toutefois, l’État du Cameroun, débiteur envers Eneo d’une enveloppe de 186 milliards de FCFA milliards de FCFA, d’après David Grylls, dirigeant d’Actis, dans une correspondance adressée en avril 2023, au Premier Ministre Joseph Dion Ngute, a engagé parallèlement des pourparlers avec l’opérateur Britannique pour régler le différend financier qui l’oppose au Gouvernement Camerounais.
Comment sauver Eneo d’une procédure de faillite? Quelles pistes de solutions dispose-t-on pour éviter une procédure d’arbitrage entre Eneo et l’État du Cameroun? Dans un document fort élaboré intitulé, « Présentation du plan de réforme du secteur de l’électricité au Cameroun: 2020-2030 », Lionel Omgba Oyono apporte des solutions durables dans le cadre d’un plan d’urgence transport-distribution 2023-2026. Dans cette phase l, le Directeur de l’électricité au Ministère de l’eau et de l’énergie (Minee) propose dans son plan de redressement du secteur de l’électricité, des opérations de trésorerie pour la restructuration d’Eneo, et des opérations d’investissements en transport et distribution, en vue de satisfaire la demande industrielle d’au moins 500 Mw et l’acquisition de 1,5 millions de compteurs prépayés.
Le groupe Actis ayant manifesté sa volonté de vendre ses actions, l’État du Cameroun pourrait en effet éviter la banqueroute à Eneo, en prenant un certain nombre de mesures de trésorerie, détaillées par Lionel Omgba Oyono. Ce, pour débuter les discussions avec le partenaire Actis. Le processus de redressement proposé par le Directeur de l’électricité du Minee recommande une évaluation préalable de la valeur des actions d’Actis, la poursuite de la revalorisation des tarifs de l’électricité, la réduction des délais de paiement des clients par l’installation systématique des compteurs prépayés.
L’État du Cameroun pourra également procéder à la restructuration de la dette contractée auprès de 8 banques locales (100 milliards de FCFA). Sur ce point, l’exemple de restructuration de la dette bancaire de la Sonara pourrait servir de modèle à Eneo, accompagné d’une stratégie de restructuration. Il est par ailleurs recommandé au Gouvernement Camerounais dans ses discussions avec Actis, l’entrée en négociations avec les fournisseurs en vue de l’allongement des délais de payement de leurs factures. Rappelons que la dette d’Eneo à l’endroit de ses fournisseurs (producteurs d’énergie et transporteurs d’électricité) s’élève à un montant de 322 milliards de FCFA, fin 2022 (+ 122,5%). Pour un endettement total de 700 milliards de FCFA.
Concernant les opérations d’investissements en transport et distribution, Lionel Omgba Oyono indique que l’État du Cameroun devrait rechercher des financements par la mobilisation des ressources financières auprès des partenaires techniques et financiers, pour un montant de 400 milliards de FCFA, sur la période 2022/2026. L’expert du Minee propose par conséquent, l’inscription de cette démarche dans le plan d’endettement et dans le cadrage du Minee, la systématisation des compteurs prépayés, un financement de 260 milliards de FCFA à rechercher auprès des bailleurs de fonds, et un appui de 140 milliards de FCFA auprès du Pforr.
Grosso modo, le plan de réforme du secteur de l’électricité 2023/2030, nécessite une thérapie de choc articulée autour d’un financement du segment « Production », en mode public-privé pour un montant de 4000 milliards de FCFA, afin d’optimiser la production à hauteur de 4000 Mw, la relance de la Centrale à gaz de Limbe, et des barrages hydroélectriques de Kikot, Grand Eweng, Bini à Warack, Cholet, Katsina Ala et Menchum. Dans le segment « Transport », Lionel Omgba Oyono propose un investissement massif de 1200 milliards de FCFA pour accroître l’outil de transport d’électricité dans tous les réseaux.
Rappelons que le vaste plan de réforme du secteur de l’électricité au Cameroun pour la période 2023/2030, entre dans le cadre de la Snd 30, qui vise à doter le Cameroun d’une capacité de production de 5000 Mw en 2030.
Georges Semey